dimanche 26 février 2012

La vie ordinaire et l'âme vraie


La vie ordinaire est une ronde de convoitises et de désirs variés. Tant que vous en êtes préoccupé, il ne peut pas y avoir de progrès durable. Il faut découvrir un moyen d'échapper à cette ronde. Prenez, par exemple, la préoccupation la plus commune de la vie ordinaire : les gens pensent constamment à ce qu'ils vont manger, à l'heure où ils vont manger et s'ils auront assez à manger.

Pour conquérir l'attachement à la nourriture, il vous faut devenir équanime au point d'être parfaitement indifférent vis-à-vis de la nourriture. Si vous avez des aliments, vous les mangez, si vous n'en avez pas, cela ne vous tourmente pas le moins du monde, et surtout vous ne passez pas votre temps à y penser. Et il ne faut pas non plus y penser négativement. S'absorber dans la découverte de moyens et de méthodes d'abstinence, comme le font les ascètes, revient à se préoccuper de la nourriture presque autant que lorsqu'on en rêve avec convoitise. Ayez une attitude d'indifférence à cet égard, c'est la chose la plus importante. Que l'idée de la nourriture sorte de votre conscience ; n'y attachez pas la moindre importance.

Tout cela sera très facile du moment où vous entrerez en contact avec votre être psychique, l'âme vraie au-dedans de vous. Car vous sentirez alors, immédiatement, l'insignifiance de toutes ces choses, et que seul le Divin importe. Demeurer dans le psychique, c'est être soulevé au-dessus de toute convoitise. Vous n'aurez plus d'envies, de tracas, de désirs fiévreux. Et vous sentirez aussi que tout ce qui arrive, arrive pour le mieux.

Comprenez-moi bien, je ne veux pas dire que vous deviez toujours penser que tout est pour le mieux. Tout n'est pas pour le mieux tant que vous êtes dans la conscience ordinaire. Vous pouvez vous égarer sur des chemins complètement faux si vous n'êtes pas dans l'état de conscience vrai. Mais dès que vous êtes établi dans le psychique et que vous avez fait l'offrande de vous-même au Divin, tout ce qui arrive arrive pour le mieux, car toute chose, même sous un déguisement, est pour vous une réponse précise du Divin.

En vérité, le don de soi sincère et spontané porte en lui-même sa propre récompense immédiate ; il s'accompagne d'un tel bonheur, d'une telle confiance, d'une telle sécurité, que rien d'autre ne peut donner. Mais tant que le don de soi n'est pas fermement psychique, il y aura des périodes de troubles, des intervalles sombres entre les moments lumineux. C'est seulement le psychique qui progresse d'une façon ininterrompue ; son mouvement est une ascension perpétuelle. Tous les autres mouvements sont brisés et discontinus.

Et vous ne pouvez même pas être un individu tant que le psychique n'est pas perceptible en vous ; car il est votre vrai moi. Avant de connaître votre vrai moi, vous êtes une place publique, non un être. Tant de forces en conflit sont à l'œuvre en vous ! Si vous voulez faire de réels progrès, il vous faut connaître votre être véritable qui est en constante union avec le Divin ; c'est alors seulement que la transformation est possible.

Toutes les autres parties de votre nature sont ignorantes ; le mental, par exemple, commet souvent l'erreur de prendre n'importe quelle idée brillante pour une idée lumineuse. Il peut avec une égale énergie avancer des arguments pour et contre le Divin : il n'a aucun sens infaillible de la vérité. Généralement, le vital est impressionné par tout étalage de pouvoir et il est prêt à voir en lui la Divinité. Seul, le psychique a un discernement juste : il est directement conscient de la Présence suprême ; il distingue infailliblement entre le Divin et l'anti-divin. Si, même pour un moment, vous êtes entré en contact avec Lui, vous porterez au-dedans de vous une conviction que rien ne peut ébranler.

Vous demandez : comment pouvons-nous connaître notre être véritable ? Il faut demander pour l'avoir, aspirer à l'avoir, le vouloir plus que toute autre chose. La plupart d'entre vous, ici, sont influencés par lui ; mais une influence ne suffit pas ; vous devez vous sentir identifié à lui. Toute aspiration à la perfection vient de lui, mais vous êtes inconscient de la source ; quand vous collaborez avec lui, c'est sans le savoir ; vous n'êtes pas identifié à sa lumière. Ne croyez pas que je fasse allusion à la partie émotive de votre être quand je parle du psychique. Les émotions appartiennent au vital supérieur, non au pur psychique.

Le psychique est une flamme qui brûle en vous sans vaciller ; elle monte tout droit vers le Divin, et apporte avec elle le sentiment d'une force qui brise toutes les oppositions. Quand vous vous êtes identifié à elle, vous avez la perception de la vérité divine ; alors vous ne pouvez vous empêcher de sentir que le monde tout entier marche sur la tête, les pieds en l'air !

Vous devez apprendre à unir ce que vous appelez votre être individuel à votre vraie individualité psychique. Votre individualité actuelle est une chose très mélangée, une série de changements qui conservent cependant une certaine continuité, une certaine ressemblance ou une identité de vibrations dans ce courant qui passe.

Elle est presque comme une rivière qui n'est jamais la même et qui a cependant un certain caractère et une certaine persistance qui lui sont propres. Votre être normal est simplement l'ombre de votre vraie individualité, et c'est seulement quand cet individu normal qui est centré différemment à différents moments, soit dans le mental, soit dans le vital, le plus souvent dans le physique, entrera en contact avec le psychique et le sentira comme son être réel, que vous réaliserez votre vraie individualité. Alors, vous serez unifié, rien ne pourra vous ébranler ni vous troubler, vous ferez des progrès réguliers et durables, et vous vous trouverez au-dessus des mesquins mouvements comme la convoitise pour la nourriture.

La Mère, "Entretiens"

lundi 15 août 2011

Sri Aurobindo


Ne pas avoir entendu la voix de Dieu et de Ses anges, c'est ce que le monde appelle avoir le jugement sain...

Sri Aurobindo

jeudi 30 juin 2011

Entretiens avec Sri Aurobindo

Si tout vient de l'extérieur, que sommes nous donc ? Qu'est-ce qui nous appartient en propre ?

Sri Aurobindo : En un sens, rien ne nous appartient. Le physique est composé, pourrions-nous dire, de diverses prédispositions : certaines énergies provenant de l'hérédité, de vos vies passées ( la somme des énergies du passé ) et de ce que vous avez acquis dans cette vie. Tous ces éléments sont prêts à agir dans des conditions favorables, sous la pression de la nature, la nature universelle qui vous donne le sentiment du moi : " C'est moi qui fait tout ". Ce moi et ce mien n'ont aucune véritable existence.

L'autre jour, vous nous avez parlé de la personnalité fondamentale. Je ne vous ai pas très bien compris.

Sri Aurobindo : Il y a deux choses à ne pas confondre : la personnalité et la Personne. La Personne, c'est le Purusha divin éternel revêtant plusieurs personnalités et projeté dans le temps comme le Cosmique et l'Individu, pour un but, une utilisation ou un travail particuliers. Même en tant qu'Individu, ce Purusha reste toujours conscient de son identité avec le Cosmique. C'est ce qui rend possible la libération de l'Individu.

La libération est-elle statique ou dynamique ?

Sri Aurobindo : Elle est les deux à la fois. Dans son aspect statique, c'est le Moi, infini, un, sans mouvement, sans action, sans dualité. Quand à l'aspect dynamique, cela dépend du lieu où votre expérience perçoit l'unité. Si c'est dans le mental, votre mental ne fait plus qu'un avec le mental cosmique, si c'est dans le vital, votre vital devient une partie du vital cosmique, si c'est dans le physique, le corps est perçu comme un grain de matière universelle.

De même qu'il existe un mur qui sépare la nature extérieure de l'âme, de l'être psychique, il existe également un mur au-dessus de la tête. En brisant ce mur ou ce couvercle, comme on l'appelle, on perçoit son moi individuel dans l'Infini ou l'on sent que l'on est devenu l'Infini. L'ouverture peut-être verticale ou horizontale, à divers niveaux : être vital, coeur etc...

Entretiens avec Sri Aurobindo, janvier 1939

mercredi 6 avril 2011

La Lumière de Vérité


Quand l'obscurité s'approfondit et étouffe le cœur de la terre
Et que le mental corporel de l'homme est la seule lampe,
Cachant ses pas comme un voleur dans la nuit,
Quelqu'un entrera inaperçu dans la maison.

Une Voix mal entendue parlera, l'âme obéira,
Un pouvoir se glissera dans la chambre intérieure du mental,
Un charme et une douceur ouvriront les portes closes de la vie
Et la beauté vaincra la résistance du monde,

La lumière de vérité capturera la Nature par surprise,
Furtivement Dieu contraindra les cœurs à la béatitude
Et sans s'y attendre la terre deviendra divine.

Dans la Matière s'allumera la radiance de l'esprit,
En chaque corps brûlera la naissance sacrée,
La nuit s'éveillera à l'hymne des étoiles,
Les jours deviendront une joyeuse marche de pèlerin,
Notre volonté, une force du pouvoir de l'Eternel,
Et notre pensée, les rayons du soleil spirituel.

Peu d'êtres verront ce que nul encore ne comprend ;
Dieu grandira tandis que les hommes sages parleront et dormiront

Car l'homme ne connaîtra la venue qu'à son heure
Et la foi ne viendra que lorsque le travail sera fait.

Savitri, Livre I, Chant IV

lundi 21 février 2011

Le mantra de Mère : ÔM NAMO BHAGAVATÉ



Le premier mot représente...

Je mets «représente», parce que le mot est toujours une forme symbolique de quelque chose qui le dépasse infiniment. C'est l'une des choses que l'on doit sentir: c'est comme un moyen de contact. Un moyen de contact que l'on rend de plus en plus efficace, d'abord par la sincérité de la concentration, de l'aspiration, puis par l'usage, par l'emploi, en ayant soin de toujours garder le contact avec Ce qui est au-delà quand on l'emploie. Et ça fait comme une concentration, comme si le mot se chargeait de force, se chargeait de plus en plus comme une batterie, mais une batterie qui peut prendre indéfiniment. Alors j'ai mis (ce qui m'a paru plus exact) :

Le premier mot «représente». Il représente : L'invocation suprême...

C'est-à-dire Ce que l'on peut atteindre de plus haut dans l'aspiration et dans l'invocation – ce qui est le plus pur, le plus haut. «Le plus pur», je veux dire : être exclusivement sous l'influence du Divin. Alors j'ai mis : l'invocation suprême l'invocation du Suprême.

Le premier mot, on invoque le Suprême dans tout ce que l'on peut atteindre et tout ce que l'on atteindra, et indéfiniment. Ce doit être un mot progressif.

Le deuxième mot représente : Le don total de soi...

On invoque, puis on fait le don total de soi. la soumission parfaite. Soumission parfaite dans tous les états d'être. Ça vient progressivement, ça vient à travers des années de répétition, mais c'est cela que le mot doit représenter quand on le dit : le don total de soi à... ce Suprême, qui dépasse naturellement toute conception. La soumission parfaite, c'est-à-dire la soumission spontanée, qui ne demande ni effort ni rien – une soumission qui doit être tout à fait spontanée. Ça aussi, c'est quelque chose qui s'atteint petit à petit; c'est pourquoi j'ai dit que le mantra est progressif, en ce sens qu'il se perfectionne de plus en plus.

Le troisième mot représente : l'aspiration...

Ce n'est pas exactement ce que l'on demande, mais c'est...Vraiment, il n'y a que le mot aspiration. C'est infiniment plus qu'espérer : il y a la certitude que ce sera comme cela, mais on n'oublie jamais que c'est ÇA que l'on veut. Et j'ajoute : Ce que la manifestation...
Vraiment, c'est la manifestation physique, terrestre; pour le moment, c'est ce qui nous concerne, mais c'est le début d'autre chose. Alors, pour le moment : Ce que la manifestation doit devenir...
Cette manifestation terrestre doit devenir : Divine.

«Divine», on met dans le mot la réflexion de tout ce que l'on a mis dans le mot «Suprême».
Mais je l'ai dit en commençant, toute activité mentale diminue le pouvoir; ce doit être l'élan de tout l'être, avec aussi peu de pensée que possible.
Ça, je peux te le donner (Mère donne sa note). Tu peux le garder.
Les trois mots, tu les connais...
(longue concentration)
ÔM..........................

Agenda du 19 février 1965

dimanche 5 décembre 2010

Jours de prison

Tandis que je marchais, Sa Force est à nouveau entrée en moi. Je regardais la prison qui m'isolait des hommes, et ce n'étaient plus de hauts murs qui m'emprisonnaient, non, c'était Vâsudéva qui m'entourait. Je marchais sous les branches de l'arbre devant ma cellule, mais ce n'était plus un arbre, je savais que c'était Vâsudeva, c'était Sri Krishna que je voyais là, debout, m'abritant de Son ombre. Je regardais les barreaux de ma cellule, la grille même qui servait de porte, et je voyais encore Vâsudeva. C'était Narayana qui montait la garde, Narayana la sentinelle.

Et quand je m'allongeais sur les couvertures de crin que l'on m'avait donné en guise de lit, je sentis les bras de Sri Krishna autour de moi, les bras de mon Ami et Bien-Aimé...

Je regardais les prisonniers de l'endroit, les voleurs, les meurtriers les escrocs, et comme je les regardais, je vis Vasoudéva, c'était Narayana que je découvrais en ces âmes obscurcies et ces corps mal employés.

...

Quand l'affaire s'ouvrit, la même vision me suivait. Il me dit : " Quand on t'a jeté en prison, ton coeur n'a t'il pas défailli et n'as-tu pas crié vers moi : Où est ta protection ? Maintenant regardes le juge, regardes le procureur ".

Je regardais devant moi et ce n'était pas le juge que je voyais, c'était Vâsudeva, c'était Nârâyana qui siégeait là sur le banc. Je regardais le procureur et ce n'était pas le procureur que je voyais, c'était Sri Krishna, c'était mon Ami et Bien-Aimé qui était assis là, et qui me souriait.

" As-tu peur maintenant ? " m'a-t-Il demandé. "Je suis en tous les hommes et conduis leurs actes et leurs paroles. Ma protection est toujours avec toi et tu n'as rien à craindre. Ce procès qui est intenté contre toi, laisses-m'en la charge, ce n'est pas ton affaire. Ce n'est pas pour ce procès que je t'ai conduit ici, mais pour autre chose, le procès en lui-même n'est qu'un moyen que j'utilise pour accomplir mon oeuvre, rien de plus ".

Sri Aurobindo, Extrait de Jours de prison